Vous aussi vous lisiez durhum.com et vous n’avez strictement rien compris au dernier post de Cyril ? Et bien c’est absolument normal, et la finalité de celui-ci est la création courant octobre d’un nouveau projet: ROW Spirits. Et pour faire rapide et simple, ROW n’est en aucun cas un nouveau mark de chez Hpdn mais provient juste de Ruruki, Olivreau & Weglarz… trois noms qui sont assez connus dans notre petit monde du rhum, non ?
Et le concept n’est pas seulement d’être un nouvel embouteilleur: ça va du site de vente en ligne où l’on pourra retrouver de vieilles crasses, des collectors modernes (aka les brols qui partaient en 20 secondes pour on ne sait quelle raison), mais aussi et surtout la vente de leurs propres sélections ainsi qu’une tonne d’articles intéressants et présentations des producteurs. ! Et c’est bien ces deux dernières parties qui m’intéressent le plus, le reste est très bien aussi mais n’est que business au final 🙂
Du coup, je comprends maintenant un peu mieux ce fameux dernier article, car si il y a bien quelqu’un que je n’attendais pas dans ce genre de projet, c’était bien notre camarade Cyril. Et donc, je lui ai proposé de répondre à quelques questions à propos de tout cela afin de mieux comprendre le concept de ce nouvel acteur dans le monde des spiritueux.
Salut Cyril, quel plaisir de t’avoir sur un article du blog ! Savais tu que sans toi, ce dernier n’existerait probablement pas, ou en tous cas pas sous cette forme ? Voila de quoi te faire chambrer pour l’éternité hein !
Salut Roger, plaisir partagé. Pour le reste, je ne cautionne rien, mais si j’ai pu contribuer à inoculer un virus (plutôt un vice) de quelque manière que ce soit, qui plus est inoffensif, alors soit, c’est plutôt une belle chose que j’aurais réussi 😉
Attardons nous si tu veux bien sur la partie « sélections de spiritueux », la plus sexy selon moi. Quelle est la genèse de toute cette histoire ?
C’est une histoire assez improbable. L’année dernière, je me retrouve à discuter Armagnac avec Luca et quelques jours plus tard, nous voilà dans les Landes chez Christian Bergerot… Son millésime 1990 a été comme une révélation. De là, on est parti à la rencontre de son distillateur (Patrick Mogni, distillateur ambulant) et les rencontres se sont enchainées naturellement chez les producteurs.
S’en sont suivies des sélections qui n’en étaient pas vraiment au début. L’idée de base était de découvrir et il n’était pas question que mon investissement dépasse le stade de la découverte. L’idée de créer une collection autour de la distillation ambulante est venue de Luca, et je lui ai proposé mon aide pour partager toutes les histoires des producteurs. Ça m’a donné l’occasion de revenir et de revoir toutes ces personnes qui font un travail de dingue et qui méritent tellement d’être reconnues.
Puis une année est passée, pendant laquelle je suis resté en contact avec les producteurs en faisant le lien. Et ce qui devait devenir un projet Velier s’est transformé en projet ROW, alors même que l’idée de ROW n’avait jamais été envisagée jusque-là… On doit ROW à Marc Olivreau, qui m’a entrainé dans son aventure le 29 janvier. Tout est allé très -très- vite. Et moi qui me suis toujours juré de ne jamais travailler dans les spiritueux, me voilà de l’aventure…
Votre démarche consiste à mettre très en avant les producteurs et leurs façons de travailler, au travers d’ articles sur le site ou des vidéos. Une belle façon pour toi de continuer le projet de ton livre « les silencieux ».
Te connaissant un peu, j’imagine que sans cela, ce projet aurait totalement moins d’intérêt pour toi… voir même un projet qui se serait fait sans toi ?
Sans ça, je n’y aurais trouvé aucun intérêt… Acheter des fûts de producteurs qui se tuent à la tâche pour ensuite mettre son nom en avant m’a toujours semblé malaisant. La norme devrait être au contraire de mettre sur le devant de la scène les hommes et les femmes qui jouent leur vie, mais surtout pas d’en profiter pour essayer de trouver un sens à la sienne.
D’où les étiquettes, d’où les articles et tout le reste, y compris concernant les distillateurs ambulants. Ce sont eux, auteurs d’eaux-de-vie, les mieux placés pour parler de leur travail et de leur philosophie. Pas moi, pas ROW Spirits ni qui que ce soit. On est juste des passeurs d’histoires, mais on se doit de le faire, sinon ça n’a pas de sens.
Qui gère les sélections dans l’équipe ? Comment se décide un embouteillage, à l’unanimité ou Luca vous laisse carte blanche à toi et Marc ?
C’est avant tout – et ce sera toujours – une histoire d’équipe. On partage la même philosophie, la même notion d’authenticité et ROW s’est construit autour de ces valeurs. Pas de compromission, du plaisir sinon rien. Et sans cette liberté et les gages de son maintien, on n’existerait pas.
Après, nous n’avons pas vocation à enchainer les sélections et le plaisir ultime serait de mettre en avant des micros-séries. Nous ne sommes pas des embouteilleurs mais si les occasions nous amènent à goûter de superbes choses, on fera le nécessaire pour le devenir, le temps d’un instant.
Comment êtes vous arrivé chez ces producteurs. Comment s’est fait la « pré-sélection » des domaines à visiter. J’imagine que vous n’avez pas couvert toute la Gascogne 🙂
Pour la petite histoire, j’avais préparé une liste complète de tous les producteurs d’armagnac (et ça fait un paquet de pages!), pour essayer d’organiser un genre de parcours initiatique, mais Luca préfère l’improvisation… Il a flashé sur la Ferme de Bacoge, sur une simple photo en fait. C’est tout ce que l’on avait et c’est aussi le seul rendez-vous que l’on avait programmé. Le reste s’est fait au feeling et au gré des rencontres.
Ce n’est sans doute pas très académique mais l’improvisation a quelque chose de très magnétique. Pas de fil, on vit l’instant et on avise la seconde d’après.
Cette mise en avant de l’armagnac est en place depuis quelques temps avec notamment Grape of the Art, l’Encantada, Whisky Mercenary, Authentic Spirits, Swell de Spirits ou encore le Wu Dram Clan… Quel a été l’accueil de ses producteurs envers votre démarche de mettre autant en avant leur travail ?
La journaliste (un peu astrologue aussi sans doute) Christine Lambert l’a annoncé il y a déjà de nombreuses années (sur le site Slate, de souvenir): l’armagnac est le spiritueux le plus sous estimé. Il a pour lui la plus formidable des qualités, la tradition, qu’il a su faire perdurer depuis plus de 700 ans d’histoire… Mais à côté de ça il reste le parent pauvre alors que sur le papier il est le plus authentique de tous. On est sur un spiritueux qui n’a que très peu d’équivalent au final, et dont on ne parle pas vraiment dans les détails.
Pour la grande majorité des producteurs, il faut garder à l’esprit qu’il n’y a pas de budget « marketing » ni de chargé de « communication », et les familles, parfois les couples (quand ce n’est pas une seule et unique personne), sont bien souvent trop occupés dans les vignes pour s’occuper du reste. Ce sont avant tout des auteurs, pas des vendeurs.
Nous avons été plus que bien reçus et ça été un réel plaisir (en plus d’un honneur) de les écouter raconter leurs histoires et de pouvoir les partager, entre pudeur, confession et frustration. Tout ce que j’espère, c’est d’avoir été à la hauteur des rencontres et que les articles puissent donner envie aux gens qui les liront d’aller visiter les producteurs.
Pour le moment, il y a une première série « Nomade # 1 » basée sur des armagnacs uniquement, j’imagine que d’autres spiritueux viendront se greffer à tous cela ?
Assurément! Et même si c’est le rhum qui nous a réuni, Marc, Luca et moi, il y a tellement de spiritueux intéressants que cela semble comme une évidence. Et ceci même sans savoir encore où on va ni quelle sera la prochaine sélection.
Ton coup de cœur dans cette première série ?
Question piège… peut-être la première rencontre, qui était aussi la première dégustation du tout premier fût: le 1990 de Christian qui m’a renvoyé à ma madeleine de Proust à moi, un certain Albion 1983.
Mais la vérité, toute la série est à la base de coups de coeur… Que ce soit la charge familiale et émotionnelle du Domaine de Jouatmaou, la philosophie d’Alain mais aussi celle de Manon & Alexandre Ladevèze qui se sacrifient littéralement pour réintroduire les cépages historiques de l’AOC, ou encore Rémi qui,à trente piges passées, porte un poids considérable sur ses épaules en reprenant à la fois le domaine familial, et en se lançant dans la distillation nomade… il n’y a pas de hasard, les gens biens font de superbes spis. Et nous ne vous racontons même pas le reste… il faut aller les voir pour le découvrir 🙂
Allez vous proposer autre chose que des sélections à l’avenir ? Tenterez vous l’aventure de l’assemblage, la réduction ou même la double maturation des spiritueux qui auraient fait mouche mais auxquels il manquerait un petit quelque chose ?
On avance au gré des rencontres mais on restera à notre place: nous ne sommes ni producteur, ni assembleur, ni magicien. Ce sont des métiers qui demandent un savoir-faire et une expertise qui ne s’improvise pas. Sur ce coup-là, on préfère faire confiance et ne pas interférer de peur de casser…la magie.
Est ce que la prochaine série est déjà sélectionnée et finalisée ou êtes vous toujours en réflexion ?
La réponse va peut-être surprendre mais non, rien de sélectionné ni de « réfléchi ». On a déjà eu la chance d’arriver avec une sélection (et du début à la fin, il s’est passé beaucoup de temps mine de rien). Il y a des envies, forcément, mais il faut aussi laisser du temps à Nomade et le penser (et le vivre) comme un projet, pas un simple produit qu’on remplace par un autre parce qu’il faut sortir toujours plus toujours plus vite.
Ce que l’on va faire, par contre, c’est proposer quelques embouteillages des producteurs de la série Nomade sur notre site. Des embouteillages à eux pour poursuivre les découvertes.
Un indice sur la provenance ?
Avec le temps va, tout…
Deuxième non de suite dans les questions, ça sent le roussi non?
Je dirais, sans trop me tromper, je pense: provenance incertaine, timing infini. Nous voyons des choses improbables, voire barrées, des kiffs, mais toujours avec des gens qui ont quelque chose à raconter et jamais en grandes quantités.
Luca Gargano est impliqué dans cette aventure, et vous avez choisi d’embouteiller vos sélections dans les fameuses « black bottle ». N’as tu pas peur de l’effet négatif de ce genre de choix ? Perso j’aurais aimé trouver un autre format pour vous démarquer de l’effet pervers de la bouteille noire (spéculation, etc ).
La série Nomade existait que ROW Spirits n’était pas encore né. À l’origine, cela devait être un projet Velier que nous avons « capté » car il se trouve que nous nous étions tellement impliqués que Luca nous a autorisé à la sortir comme telle. Ça a fait une sorte de pont, de lien entre le début de cette aventure et la suite, mais qui n’a été envisagé à aucun moment. On ne pouvait clairement pas rêver mieux pour commencer. Black bottle ou pas, quand vous débutez, c’est plus simple de faire avec ce qui existe.
Après, nous n’avons pas vocation à l’utiliser ad vitam æternam, comme nous n’avons pas vocation non plus à faire de nombreuses sélections. Mais oui, la black bottle attire autant qu’elle divise, c’est un fait. Mythique à ses débuts, elle reste pour ma part remplie de souvenirs, et reste synonyme d’une époque formidable en terme de découvertes. De ce point de vue, ça fait quelque chose de voir un de « ses » embouteillages sortir dedans. Et ça fait quelque chose aussi pour les producteurs qui sont derrière pour les mêmes raisons. Mais passé ces considérations purement égoïstes et futiles, ce qu’elle est devenue ne lui appartient malheureusement plus.
Nous avons forcément pensé à l’effet pervers dont tu parles, avec la crainte de voir les bouteilles rester fermées. D’où notre envie de proposer des séries complètes dans les bars et de sortir des coffrets de dégustation. Pour libérer un maximum de bouteilles dans la nature et provoquer les dégustations et les rencontres. Au final, et jusque maintenant, l’effet pervers ne semble pas prendre. Notre série reste disponible car le nombre de bouteilles le permet aussi.
Après, les craintes sont compréhensibles mais je ne pense pas qu’une bouteille puisse changer les prix de tout un secteur, que ce soit celui de l’Armagnac ou d’un autre spiritueux. Aujourd’hui, il y a pas mal d’embouteilleurs qui sortent des black bottles avec des succès plus ou moins relatifs. C’est peut être la solution au final, la rendre tellement banale qu’elle n’intéressera plus personne.
J’ai vu passer sur votre site un petit coffret découverte en 2.5cl, allez vous faire ce genre de choses pour la partie collector du site ?
Coffret qui devrait arriver sous peu! On voulait le faire nous-même mais on a appris que ce n’était pas possible… donc on est passé par une société française. On a fait les coffrets et on les a numérotés.
Il y aura un coffret Nomade 6x 1,7cl pour se faire une dégustation comparative de toute la série, mais effectivement, il y aura aussi des coffrets Collectors de 3 flacons. On va prochainement choisir les références, les goûter et partir sur des thématiques (île, distillerie, millésime, etc…), en essayant surtout de tomber sur des tarifs raisonnables. D’où les contenances des flacons pour essayer de viser juste.
Les coffrets collectors seront aussi l’occasion de se replonger dans des notes de dégustations qui seront proposées sur le site.
Question qui n’a rien à voir avec ce projet, mais tant que je t’ai ici 2-3 minutes, à quand la reprise de ton blog ? On attend toujours ton article sur « mon » Caroni 🙂
Je l’ai arrêté pour un tas de raisons et il ne rouvrira pas. Même pour ton Caroni 😛 (arf, j’aurais essayé au moins !)
Le site de ROW Spirits est mon nouveau terrain de jeu. En plus du contenu actuel, il y aura des notes de dégustations (mais pas de nos sélections), des articles (je ne m’interdis pas tous les genres d’articles :)), des longues thématiques sur les marques et distilleries et un tas de petites rubriques/capsules où je ferai intervenir les producteurs (mais pas que), notamment pour parler des histoires derrière les bouteilles.
Bref, je vais continuer mais juste ailleurs, en faisant ce que j’ai envie de faire et comme je veux le faire. Ce qui, entre nous, est un privilège assez dingue…
Un tout grand merci pour ton temps !
Merci à toi pour ton intérêt et belle continuation à toi.
Photos volées sur le site de RowSpirits avec toutes les autorisations nécessaires.