La réduction

Aujourd’hui, je vais vous parler d’un sujet que j’affectionne particulièrement en ces temps du « tout full proof« , la réduction dans le monde des spiritueux et plus particulièrement dans le monde du rhum.

Cet article a été initié pat Simon de préférence rhum, car il sait que j’aime les spiritueux plutôt fins et élégants comme certains rhums réduits peuvent l’être. Du coup, il m’a proposé de faire un sujet commun, mais via deux articles sur nos deux blog.

Bien entendu, loin de moi l’idée de vous faire un cours technique sur la réduction, je n’en ai pas la capacité… Cet article est plutôt un petit recueil de pensées sur la réduction.

Une belle introduction à d’ailleurs été faite par Marc Sassier, celle ci pouvant être consultable ici et l’article de Simon sur le site de préférence rhum


La grande mode actuelle dans notre petit monde du rhum est de souvent proposer des alcools à fort degrés… Bon nombre de sorties, pour geek comme probablement vous et moi, affichent souvent plus de 60% d’alcool et le brut de colonne est en pleine expansion, même si cela devrait s’essouffler assez vite je pense. Je ne comprends toujours pas l’intérêt de proposer des alcools blancs à plus de 80% mais bon, c’est un tout autre sujet.

En discutant avec quelques professionnels, il apparaît assez vite que la recherche de l’équilibre est bien la première préoccupation de certains distillateurs/embouteilleurs/dégustateurs.

Un rhum « cask strenght » très équilibré n’aura pas nécessairement besoin d’une réduction, tout comme une rhum mal réduit n’apportera aucun plaisir… Il ne semble pas vraiment y avoir de règles universelles concernant le passage par la réduction ou non. Juste une chose, l’équilibre.

John Barrett de chez Bristol, par exemple, aime son rhum entre 43 et 48% car cela permet de garder beaucoup de saveurs sans trop diminuer le plaisir de dégustation.

Néanmoins il a tenu compte du marché et à donc proposé certaines références non réduites. Car oui, la demande pour ce genre d’embouteillage a bien évolué en quelques années…

Mais réduire un rhum correctement est un art, que Mr Barrett et Mr Samaroli maîtrisent à la perfection… Comme l’expliquait Marc Sassier dans l’article d’introduction, ajouter de l’eau à un spiritueux traumatise ce dernier: « car cet apport soudain va déplacer les estérifications et votre produit sera déstructuré. Il faudra attendre au moins 5 jours pour retrouver un équilibre.« 

Bon nombre de réductions faites à la va vite ou trop importantes pourront tout simplement détruire un superbe produit…. je n’ai pas trop d’exemple en tête mais ça existe clairement. Le genre de rhum où on se dit « tiens, c’est bon mais ça manque tout de même de peps !« 

Emmanuel Dron, propriétaire d’un des plus grands établissements à spiritueux et embouteilleur à ses heures, aiment aussi un degré de réduction allant de 45 à 48 % mais  » L’idéal pour une belle réduction n’est pas tant nécessairement le degré que la façon de réduire. Une réduction lente, un filtrage très doux (juste pour récupérer les poussières du bois) en évitant des températures trop basses sont les clés de la réussite. »

Les goûts évoluent fortement aussi, « Plus jeune, j’appréciais plus les cask strength, aujourd’hui un petit peu moins même si je fais la plupart de mes embouteillages cask strength. Mais je suis extrêmement patient dans le choix de mes fûts et ne choisis que des cask strength équilibrés et sans agressivité. « 

Personnellement, je vais de plus en plus vers ce genre de spiritueux aussi… le dernier Caroni 1999/2019 de Bristol titrant 43% est pour moi une toute grande réussite bien que fortement réduit. La travail sur ce rhum est vraiment impeccable, le spiritueux a gardé son caractère, son gras et sa longueur tout en étant plus « friendly » à la dégustation.

Après je ne suis pas du tout contre un spiritueux flirtant avec les 70% si celui ci sait rester élégant bien entendu !

Des fois, même une légère réduction peut apporter énormément de choses comme sur le Hampden HGML de Habitation Velier, qui je pense a du être légèrement réduit car il titre un étrange 62% comme le reste des sorties 2019 de cet embouteilleur.

Réduction qui au passage semble parfaitement réussie tant ce rhum est gras et plein de saveur tout en atteignant un équilibre rarement vu chez Habitation Velier. Ça reste costaud mais nous sommes loin du HLCF qui est vraiment très compliqué à déguster par exemple.

Hubert Corman est du même avis, un spiritueux doit être avant tout équilibré, néanmoins il apporte quelques informations complémentaires:

Il n’y a pas de degré idéal pour une réduction : S’il s’agit d’un seul fût embouteillé, il y aura une approche beaucoup plus attentive du consommateur et de ce qu’il recherche. Pour autant que la qualité du fût sélectionné soit à la hauteur.

S’il s’agit d’un assemblage, les réductions les plus régulièrement employées sont 40° 43° 45° 46°. Elles correspondent au standard des embouteilleurs et du client final qui cherche juste un spiritueux sans se soucier de détails particuliers. Ces réductions représentent 98% (après vérification, 97.59% en fait) de la demande et des achats.

La réduction a plusieurs facettes : chercher à intégrer au mieux le taux d’alcool, apporter un certain équilibre. Une accessibilité. Et bien entendu, être dans la standardisation et globalisation en termes de prix de marché.

Ce sont des aspects pour lesquels le consommateur ne se rend pas toujours compte : plus c’est réduit moins il y a de taxes, accises etc… et bien évidement cela aura une répercussion sur le prix final pour le client.

Cela permet de se positionner sur les différents réseaux de distribution des pays.

C’est le travail du Maître de chais, de sélectionner, d’assembler, de réduire au final pour obtenir toujours un produit constant presque identique à la version précédente.

De là à dire quel degré idéal pour déguster, il ira de l’avis de chaque personne. Il y aura autant d’avis qu’il n’y a de rhum – Ron – rum.

D’une approche plus personnelle, je pencherais 44/48° en fonction du style et du moment de dégustation.

L’ajout d’une goutte d’eau lors du dégustation est quelque chose qui revient souvent aussi… personnellement je suis moins fan car d’une fois à l’autre, cette goutte ne sera jamais pareille et comme le dit Marc Sassier, cela stress considérablement le spiritueux. Il faut bien veiller à le déguster dans les 5 minutes…

Lors d’une dégustation d’un embouteillage Full Proof, il est toujours nécessaire de bien réfléchir pour une analyse optimale. Le déguster tel quel en premier ceci permettra d’en avoir un aperçu direct. Ensuite un ajout de quelques gouttes d’eau permettra un tout autre avis !

L’eau apportera l’ouverture olfactive sur des saveurs souvent discrètes. Pour une dégustation de Spiritueux déjà réduit en dessous de 46° il n’est pas nécessaire de rajouter de l’eau.

L’eau : Elle joue un rôle important dans cette étape de production. Beaucoup utilise de l’eau déminéralisée qui permet de garder tout l’esprit du spiritueux, tandis qu’une eau de source, locale ou autre, aura des incidences car sa composition minérale influencera le résultat final.

Depuis longtemps, les distilleries réduisent leur rhums dans les caraïbes et depuis quelques années proposent des rhums à plus fort degrés.

Chez Foursquare, Richard Seale nous explique que les alcools faisant moins de 46% sont plus souvent des choix dictés par les législations qu’autre chose. Pour lui, en dessous de ce degré, cela nuit considérablement au spiritueux.

L’ajout d’eau ne va pas que diluer le rhum, il va aussi changer son goût et ses propriétés et cela peut rendre un alcool moins translucide par exemple.

Une certaine opacité, un voile apparaîtra dans la spiritueux et une filtration sera nécessaire pour l’enlever. Ce procédé va encore plus dénaturer le produit et enlevé certaines couches de complexité.

Chez Foursquare, Richard nous explique que leur style étant plutôt « léger », ses rhums sont biens au dessus de 48%. Au dessus de ce degré, il y a le plus d’arômes tout en gardant un aspect facile à la dégustation.

Cette douceur provient d’un assemblage de rhums lourds de pot still et plus léger de colonne et bien entendu un vieillissement dans des fûts corrects.


Conclusion

il n’y a pas vraiment de règles hormis celle du plaisir

certaines personnes aimeront leur rhum réduit car elles privilégient le plaisir de dégustation, d’autres la puissance qui leur déchaussera les dents du fond.

Il en faut pour tout le monde 🙂

One more thing….

La seule chose où tout le monde sera bien d’accord, c’est bien la réduction sur Excellence Rhum avec le code promo #REDUCTION_BY_ROGER 😉 (*)

* Paiement par carte ou virement.

13 thoughts on “La réduction

  1. Chouette ton article Roger, la réduction est un art. Je pense que c’est tout le talent du maître de Chai de trouver le degré optimum d’embouteillage. Comme expliqué dans ton article on peut complètement destructurer un rhum exceptionnel pour avoir simplement voulu bénéficier d’une taxation avantageuse. Au fond c’est à coup sûr le débat entre le marketing et le maître de chai dans les distilleries. Passion vs Raison !

    1. Oui, ça ne doit pas être simple quand on te dit que le nouvel assemblage doit taper 40% maximum pour des raison de business et de placement.

      Ça doit être plutôt frustrant, surtout si le maître de chais estime que le blend donne bien mieux à 46% ou même 55% … j’imagine que certains cuvées spécifiques, plus limitées servent peut être aussi à ménager ces susceptibilités 🙂

    1. Merci David !

      Au plaisir de se recroiser un de ces 4 …. bon c’est pas tous les jours que je vais dans ton coin mais sur un malentendu 🙂 🙂

  2. Très bel article et magnifiquement raconté. Je l’ai savouré jusqu’à la dernière goûte.

    Il y a le pouah de la puissance d’un rhum à plus de 60° qui me plait beaucoup et la place que prennent les esters pétrolifères qui me plait beaucoup. Mais j’aime aussi prendre du plaisir avec un petit rhum à 40° sans grande complexité. Tout dépend de mon humeur et de mes envies.

    Finalement il n’y a toujours qu’un seul mot d’ordre, c’est de prendre du plaisir.

    Merci Roger pour cet article.

    1. Merci de m’avoir lu Régis !

      Comme tu dis, tout dépend du moment, de ce qu’on recherche. Il ne faut vraiment pas bouder une version ou l’autre. Il y a du bon en tous…

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