Richard Seale, patron de la célèbre distillerie Foursquare à la Barbade, est un personnage entier et passionné.
Fervent défenseur des « vrais » rhums sans additif, il met un point d’honneur à jouer la carte de la transparence avec sa gamme Foursquare entre autre.
Voici le résumé d’une discussion que j’ai eu la chance d’avoir avec lui par mail:
Foursquare est une distillerie plutôt renommée dans le monde du rhum, pouvez vous nous remémorer les grandes lignes de celle-ci ?
Oui bien sûr, il faut savoir que Foursquare est bien plus âgé que notre « business ».
L’entreprise a débuté son activité, en 1730 environ, par la production de rhum et de sucre. Mais au 19ème siècle, la Barbade a perdu son principale marché d’exportation de rhum: les USA.
Foursquare n’a plus produit que du sucre à partir de ce moment-là et ce, jusqu’en 1980, année où l’entreprise fut fermée à cause de la dépression du marché du sucre.
En 1995, notre famille a acheté la propriété et à partir de septembre 1996, nous avons recommencé à produire du rhum.
Vous commercialisez plusieurs marques de rhum (Doorly’s, RL Seal, sixty six…), pourquoi avoir choisi tant d’appellations et pas seulement Foursquare?
Pour comprendre cela, il faut connaître l’histoire du rhum à la Barbade. Quand le rhum a commencé à être vendu, les distilleries avaient l’interdiction de vendre directement aux consommateurs. Les marques sur le marché étaient donc toutes des embouteilleurs indépendants au final. RL Seale en était un, Martin Doorly aussi.
Nous avons acheté cette dernière en 1993 et nous avons donc continuer à utiliser ces marques qui avaient été crées indépendamment de toutes distilleries.
Bien entendu, maintenant ces marques sont des assemblages 100% Foursquare.
Comme maintenant nous pouvons faire des embouteillages officiels, nous avons décidé de sortir seulement des éditions limitées sous le nom Foursquare et de continuer les autres appelations.
Dans le passé, toutes les distilleries ne pouvaient vendre que du bulk pour l’export. Nous exportions uniquement à E&A Scheer. A partir de là, beaucoup d’embouteilleurs indépendants ont une sources pour acheter leur rhum.
Le rôle de E&A Scheer est important car historiquement il n’aurait pas été possible à tous ces embouteilleurs de visiter les caraïbes. Donc tout partait d’ici non vieillit pour être mis en fût en Europe.
Aujourd’hui nous envoyons du vieux rhum uniquement à Scheer.
Vous expérimentez pas mal de finitions comme porto, zinfandel, cognac etc…. Je sais que vous êtes un vrai défenseur des rhums sans artifices, est ce pour vous une opportunité de faire des rhums plus doux ou est ce une réelle envie d’innover?
Nous ne faisons pas de finish, seulement des doubles maturations (pourtant il est bien indiqué « port cask finish » mais bon 🙂 ).
Aujourd’hui la Barbade est associée aux fûts de bourbon mais c’est assez nouveaux en fait, peut être à partir du début des années 1950.
Historiquement les distilleries de la Barbade utilisaient ce qui était disponible pour faire vieillir leurs rhums. C’était souvent des fûts de Sherry, Porto ou madère.
J’ai choisi de revenir aux sources comme cela était populaire au 18em Siècle.
Mais le vieillissement en ex fût de vin est un heureux « accident » historique. Il était obligatoire de garder son rhum dans des fûts en bois car il n’y avait pas d’acier inoxydable à l’époque.
Bien entendu les fûts sont une forme d’altération, les seuls pures rhums sont ceux qui ne sont pas vieillis. Mais celle ci est toujours indiqué sur nos étiquettes ! Et cela devrait toujours être le cas, le type de fût et bien sur le nombre d’années.
A partir d’un fût de vin, on peut retrouver des traces de sucres (1-2 g/l) mais nous utilisons aussi des ex Olorosso et ex cognac qui eux ne sont pas doux, donc ce n’est pas qu’une question de rondeur, c’est juste pour avoir les meilleurs fûts.
Je viens de commencer à utiliser des anciens fûts de Syrah, pas vraiment à cause du Syrah en lui même mais car il s’agit des meilleurs fûts en chêne français que nous ne pouvons nous offrir à défaut de neufs.
Il y aura d’autres qui suivront. Dominus est une double maturation ex bourbon/ex cognac et le prochain 2005 est entièrement ex bourbon.
Il y a t il des marks chez Foursquare comme nous pouvons en trouver chez DDL ou chez Hampden ? Quel est en moyenne la durée de fermentation pour vos rhums ?
Oui nous avons différents marks, ceux ci proviennent des différents mélanges pot/colonne que nous faisons avant le vieillissement. Ces différents marks sont alors mélangés à l’embouteillage.
La fermentation dure 44 heures mais il y a deux étapes avant cela de 9 et 12 heures chacune.
A partir du Foursquare 2006, vous vous êtes associés avec Luca Gargano qui importe certains de vos rhums dans les fameuses bouteilles noires ou via la gamme « Habitations Velier ». Comment cela a t il commencé et quelles seront les prochaines sorties ?
Les prochaines releases sont Principia et Destino.
Principia a été vieilli 3 ans en fût de bourbon et 6 années de plus en fût de sherry. Ce sont d’anciens fûts de sherry qui avaient été déjà remplis avec du rhum. J’aime beaucoup le résultat avec ces vieux fûts d’excellente qualité.
Le destino est par contre lui un rhum vieilli 12 ans en fût de madère suivit de 2 années en fût de cognac (utilisé pour le rhum plusieurs années avant).
Pour ce qui est de notre collaboration, Luca voulait créer la catégorie « pure single rum », inspiré par son ami Charles Grant Gordon qui avait contribué au développement des « pure single malt » dans le whisky.
Donc il a visité pas mal de distilleries dans les caraïbes à la recherche de rhums distillés en alambic. C’est ainsi que nous nous sommes rencontrés et après quelques dégustations/discussions ensemble, nous avons décidé de faire 2-3 autres collaborations par an.
De là est né le concept de « single blended rum ».
Que pensez vous des prix exorbitants de certaines de ces bouteilles noires sur le marché secondaire ?
En fait, il y a du bon et du mauvais dans cette histoire. Il est bon de voir certains rhums prendre de la valeur et je pense que si quelque chose est rare, il est normal de voir sa valeur monter.
Ce qui est triste est que les vrais amateurs de bons rhums ne savent pas toujours les acheter à bon prix.
Nous essayons à chaque release d’être sûr que chaque passionné puisse trouver une bouteille à prix correct.
C’est quelque chose de très important pour moi. Il n’y a strictement aucun gain supplémentaire sur le second marché, donc nous préférons rendre les gens qui dégustent nos rhums heureux.
Pensez vous que l’industrie du rhum est sur la bonne voie ? Les gens deviennent de plus en plus connaisseurs mais il reste pas mal de « rhums bidons ». Comment voyez vous le futur?
Nous concernant, nous sommes relativement petits mais nous faisons de beau progrès même si nous ne vendons qu’à des amateurs de vrais rhums.
Dans notre catégorie, nous luttons encore vraiment fort contre le Whisky en fait. La catégorie des rhums « premium » est très petite, plus petite que la Tequila. C’est ridicule quand on considère la qualité des meilleurs rhums !
On me dit que les « faux rhums » sur le marché sont une belle porte d’entrée. Donc notre si petite catégorie à tellement de porte d’entrée ?
Peut être que les gens devraient arrêter de dire cela… ce ne sont pas des portes d’entrée, ils font du mal au rhum.
Petite question plus personnelle pour terminer: quel serait pour vous le rhum ultime, celui que vous voudriez partager avec vos proches.
N’importe lequel des vrais rhums, fait avec de vrais méthodes et non « bidouillés »: Hampden, Worthy Park, Neisson, St James, Chairmans, Appleton, Mount gay et bien d’autres.
Je respecte n’importe quel producteur de rhum qui aime faire les choses correctement.
Merci beaucoup d’avoir répondu à mes questions.
Mais de rien voyons, j’adore votre blog, il est génial ! (non je déconne, il a pas dit ça 🙂 )