Gregory Vernant

Neisson est une des plus petites distilleries de Martinique…. une des plus jeunes aussi du haut de ses 85 petites années de vie . Petit focus donc avec la rencontre de Gregory Vernant qui à gentiment accepté de répondre à mes quelques questions

Pouvez vous nous présenter votre parcours au sein de la distillerie ? Par quoi avez vous commencé ? Quelles ont été les différentes étapes de votre apprentissage et quel est le rôle que vous occupez maintenant ?

J’ai commencé à travailler à la distillerie en 1995 date à laquelle je me suis surtout concentré sur la partie Agricole et l’usine, le distillateur de l’époque Emmanuel Fédronic s’est occupé de moi pendant 5 ans.

L’outil de production était en mauvais état et il a fallu reprendre beaucoup de choses à zéro. Petit à petit j’ai également récupéré la partie commerciale que j’ai réorganisé en 2000.

L’apprentissage se fait surtout sur le terrain et pendant les voyages

Aujourd’hui nous sommes une équipe de trois à gérer au quotidien avec Julie qui a en charge la partie Agro et Alex la production et le vieillissement, sans oublier bien entendu Omer Pain qui me remplace de plus en plus à la distillation et qui gère l’usine.

Neisson existe maintenant depuis 1932 et est une des dernières distilleries 100% indépendantes de Martinique. Comment se porte Neisson en 2019 et qu’elles sont les principales difficultés que vous rencontrez.

Aujourd’hui , rien n’est acquis et les contraintes et normes deviennent de plus en plus compliquées et parfois incompréhensibles.

Par exemple un projet de loi nous impose des normes de poussière pour nos chaudières bagasse 3 fois plus strictes que des chaudières à Fioul alors que nous sommes une des filières les plus vertueuses.

Il y a les difficultés également liées au réchauffement climatiques avec cette année une sécheresse extrêmement forte et un manque d’anticipation lamentable des élus et de l’administration. L’eau devrait être en gratuite en Martinique si elle était bien gérée.

Neisson…

Vous êtes les seuls à proposer un rhum bio et 100% AOC, le but est il de ne faire que du 100% bio à l’avenir ou les deux gammes resteront ?

100% bio, pour l’instant cela me paraît compliqué notamment pour les raisons que j’ai évoqué précédemment. Il faudrait d’abord de l’eau à profusion ce n’est pas le cas aujourd’hui mais également un engagement fort des politiques et de l’administration pour aider ceux qui souhaite franchir le pas.

Je rappel quand même qu’il existe un désherbant magique en France qui s’appel l’hiver ! Or en Martinique il n’a pas de repos il faut désherber toute l’année. Un hectare en Bio a demandé en moyenne 638 heures d’intervention humaine contre 185 en moyenne pour un hectare conventionnel pour 2017/2018.

Malheureusement aujourd’hui il existe un énorme fossé entre les discours et les actes de nos décideurs concernant les aides à la conversion biologique.

Qu’est ce que le bio représente pour neisson? Une façon de se démarquer ou un réel engagement sur la qualité et le bien être ?

Le Bio aujourd’hui c’est 15% de notre surface et pour les 85 autres une culture raisonnée et des produits phyto que l’on s’interdit d’utiliser ( nous n’avons jamais mis d’Asulox et le glyphosdate a été supprimé il y a 4 ans.)

On ne se met pas au bio au départ pour des raisons commerciales mais par conviction car il faut accepter de perdre beaucoup d’argent les premières années. Je parle en climat tropical

Un des plus vieux millésimes

Le plus vieux millésime Neisson que je connaisse est un 1991… Il y a t il eu d’autres Neisson millésimés avant cela ? Comment était votre gamme avant votre arrivée ?

Nous avons encore quelques bouteilles de rhum plus âgés mais ces derniers ne sont pas millésimés.

Jusque 1996, nous avions le 50 et le 55, le rhum paille et l’extra vieux. Puis s’est ajouté la réserve spéciale, les bruts de fûts en 2001, l’esprit en 2002 et le 52,5 dans la foulée.

Avez vous toujours à votre disposition de très vieux Neisson ? Le style a-t-il énormément évolué avec le temps ?

Nous n’avons pas en barrique de rhum de plus de 21 ans, au delà nous ne savons pas encore faire.

Neisson c’est environ 400 barriques, le plus petit après nous c’est 3 000 barriques et ensuite 10 000, c’est donc très compliqué pour nous de maintenir un stock de rhum au delà de 15 ans, cela se compte en barriques ou en moitié de barriques !

Je ne sais pas si on peut à proprement parler de style mais nous essayons avant tout de ne pas « marquer » nos rhums par le bois, nous recherchons la balance idéale entre le boisé et le fruité mais nous sommes loin de l’avoir trouvé et c ‘est passionnant !

J’ai en tête une photo de rhum vieux vraiment très foncé, d’où provient cette couleur ?

si vous avez en tête les extra vieux label rouge, les rhums étaient foncés avec l’ajout de caramel tout simplement.

C’est une pratique que j’ai arrêté en 1996 la couleur foncé pouvait également provenir des barriques que l’on re-brûlait afin de colorer les rhums.

Vous êtes relativement proche de Luca Gargano, avez vous déjà déguster ses fameux Caroni ou autre Demerara? Que pense vous en général de ce genre de rhums?

La dégustation est quelque chose de très personnel et subjectif, je me garderai bien de faire quelque critique que ce soit mais ce sont des rhums que je ne connais pas très bien.

J’ai plus l’habitude de déguster des rhums agricoles.

Comment voyez vous l’avenir du rhum martiniquais, de l’AOC et de Neisson en particulier ? Il n’y a pas de raison à ce que les stocks augmentent mais la demande bien, comment allez vous gérer cela ?

L’avenir pour les petites structures n’est pas forcément optimiste. Comme je vous l’ai dit précédemment, la multiplication des normes ne va pas dans le bon sens.

Pour les stocks, cela fait déjà près de 10 ans que nous n’arrivons pas à répondre à la demande, nous faisons avec tout en n’oubliant pas que le marché local reste notre priorité.

Bon nombre d’embouteillages Neisson sont sortis en mode ‘tatanka’, cela semble être devenu une gamme à part entière chez vous, comment est ce arrivé et quel est votre attachement à cela ?

Ah non ce n’est absolument une gamme à part, cela permet de mettre un peu de couleur dans notre boutique.

Après c’est également une demande de nos distributeurs et c’est assez sympa sur une bibliothèque.

J’ai tout simplement rencontré le patron de tatanka il y a une vingtaine d’années et nous avons aimé ce qu’il faisait et nous avons convenu d’un partenariat sur le long terme.

Quelle est votre plus grande fierté avec neisson ? Si vous ne deviez choisir qu’un de vos embouteillages, lequel serait ce ?

En blanc, l’esprit par ce que nous avons été les précurseurs du rhum blanc haut degré à qui nous avons redonné ses lettres de noblesse et bien sûr le Bio.

En vieux, le 2003 last batch qui va bientôt arriver. Il s’agit de notre dernière barrique. Ce millésime représente une année très particulière à plusieurs point de vue et la cuvée sera dévoilée au whisky-live.

Hormis Neisson, quels sont les rhums que vous dégustez secrètement et qu’en pensez vous ? 🙂

Ah ah ah je ne déguste pas secrètement mais régulièrement à la fois dans le cadre des jury AOC mais également à titre personnel.

J’aime d’abord les rhums du Nord Caraïbe donc Depaz et également St james pour ses vieux et je voyage chez mes amis en Guadeloupe avec Longueteau et Marie Galante avec Père Labat.

Je me refuse par contre à boire les rhums sucrés et les sois disant rhums vieillis en Europe, c’est pour moi une fumisterie et ces produits devraient être interdits ou alors ne pas porter la mention rhum.

2 thoughts on “Gregory Vernant

    1. 😀 je ne connaissais pas le degré de proximité… Après il est vrai que vous êtes le seul avec Thierry à pouvoir sélectionner dans les chais de neisson, c’est un privilège !

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