Article un peu spécial aujourd’hui, car je vous propose l’interview d’une personne extrêmement discrète et que l’on ne voit vraiment pas souvent s’exprimer, Madame Maryse Samaroli épouse de Monsieur Silvano Samaroli et la tête pensante de Masam !
Je suis extrêmement fier qu’elle ait accepté de répondre à mes questions, et partager cet article avec vous est vraiment un honneur.
Ce couple étant l’un des plus reconnus dans le monde des spiritueux, le fait qu’elle m’accorde un peu de son temps est simplement génial pour ce petit blog…. merci !
Bonjour, vous êtes l’épouse d’un tout grand Monsieur de l’univers des spiritueux, Silvano Samaroli. Mais il doit y avoir bien plus à dire… aidez moi 🙂
Il y a un proverbe qui dit: “ derrière un grand homme, il y a toujours une grande femme à ses côtés”… Plaisanterie à part, j’avais de l’admiration et beaucoup de respect à l’égard de mon mari, Silvano Samaroli, et de sa passion contagieuse pour le Whisky et pour les grands spiritueux.
Dans sa carrière, il a sélectionné et embouteillé de grands cognacs vieillis à Bristol, des grands rhums et des grands whiskies. Il disait qu’un bon spiritueux devait vieillir sous un climat très froid et humide. Plus lent était le procès du vieillissement, meilleure était la qualité d’un spiritueux.
Je suis Maryse, mais comme hier et aujourd’hui, je suis aussi Maryse Samaroli et je vis l’émotion de l’être. J’ai pris en main le témoignage d’une vie et je la communique avec la passion de l’expérience vécue avec Silvano.
En plus d’être son épouse, j’ai été sa partenaire de 1980 à 1992 pour la Samaroli Wine and Spirits Merchants et de 1992 à 2008 de la Coilltean International Co. LTD.
La marque “Samaroli” a été ensuite vendue en 2008 et depuis 2016, je suis à la tête de Masam independent bottlers.
Après le malheureux décès de Silvano en février 2017, j’ai du reprendre en main la situation et réaliser son projet en partie commencé pour fêter ses 50 ans d’activité dans le monde des spiritueux, embouteiller le Tomintoul 1967 45,2%Vol. Casks# 4688- 5425.
Masam est donc un projet initié par Mr Samaroli en fait ?
Oui, Masam était un projet initié par Silvano. Un désir de se remettre en question. Masam est simplement un jeux de mot: Maryse Samaroli.
Le destin aura voulu que je rende hommage à sa mémoire et à son grand travail à travers de Masam. Je suis devenue moi même une “independent bottlers” avec l’appui de notre collection privée.
Ce projet sera éphémère et aura une fin “ programmée “ avec le fin du stock de cette collection.
Pouvez vous nous parler des sélections de votre mari… sans trop entrer dans les détails, comment cela se passait il ?
Silvano faisait 2 types de sélections sur le New Filling et sur le Whisky déjà vieilli, recevant des échantillons des brokers ou en se déplaçant en Ecosse.
Pour le jeune, il avait une connaissance de la performance et du statut technique de la distillerie et ensuite il imaginait sa maturation dans les années à venir.
Pour le whisky vieilli, il décidait après dégustation si il l’embouteillait ou pas. Dans la positive, il réfléchissait à prolonger sa maturation ou non.
Puis, il y a le moment de l’embouteillage qui est aussi une phase importante pour la qualité final du distillat. Il a été le premier à ne pas faire la filtration industrielle par exemple ainsi que de proposer des « Full Proof natural strength« .
La sélection est le fruit d’un esprit de recherche farouche, c’est un expérience extraordinaire, basé sur la mémoire et l’expérimentation constante.
Nous avons partagé sensations et opinions durant les dégustations de toute une vie, mais lui était indiscutablement le “Maestro” et moi la chanceuse élève.
Concernant les rhums, comment cela est il arrivé vu qu’à ma connaissance vous ne faisiez ‘que’ dans le whisky au début ?
Sa première sélection dans le monde du rhum aura été le 1948 West Indies Dark Rum. Silvano le considérait comme le meilleur embouteillage de sa carrière.
Cet échantillon est arrivé « par hasard » sur notre table de dégustation. Celui ci provenait d’une famille écossaise qui en avait fait l’investissement il y a de cela un lointain passé…
Ce rhum était à l’origine 10 Butts de 500l , il en est resté juste 3 fûts pour un totale de 488 litres.
Je me rappelle de Silvano sautant de joie après la dégustation, un moment magique.
Quel serait pour vous votre embouteillage le plus emblématique et pourquoi ? Si il fallait « synthétiser » l’esprit de Mr Samaroli …
L’embouteillage le plus emblématique pour moi serait le “ The NO AGE “ declared 1992 First Edition, crée et voulu par Silvano, un assemblage de “pure Malt” bien plus rare et plus précieux qu’un “Single”.
Derrière ce No Age, il y a un assemblage en vertical de fûts de différents âges et de provenance géographique de l’Ecosse comme Laphroiag 1967 et 1970. Ardberg 1974. Longrow 1973. Glen Garioch 1971. Mortlach 1957 etc…
Pourriez vous nous expliquer les objectifs que vous vous êtes fixé à travers Masam ?
Les fûts embouteillés par Masam reflètent la philosophie de vie de Silvano, il n’embouteillait que ce qui le satisfaisait pleinement, et nous voulons donc continuer cela à travers nous embouteillages.
Donc, Masam a pour but de remettre sur le marché des produits 100% samaroli comme avant 2008 ? Il était donc prévu dés 2008 de refaire des embouteillages dans un avenir proche ?
Non, il n’était pas prévu dès 2008 de refaire des embouteillages dans le futur.
Mais la société à qui nous avons vendu la marque ”Samaroli” n’avait pas les moyens de nous acheter tout le stock de fûts mis de côté durant nos années d’activité.
Pour nous ces fûts ont été le meilleur investissement de notre vie.
Embouteiller de tels fûts doit être quelque chose de prenant mais aussi de stressant… Quand et comment décidez vous qu’un fût est prêt à être embouteillé et à quel degrés? Avez vous recours aux même techniques que Mr Samaroli avait à l’époque pour décider cela ?
Embouteiller les fûts sélectionnés par Silvano est un acte d’amour envers lui.
Pendant mes dégustations des échantillons où je décide le degré d’embouteillage que je souhaite, je prête attention à mes sens, à mon intuition, et à mon imagination.
Pour le rhum, nous avons eu droit à un Foursquare, un Hampden et 2 Port Mourant … qu’en est il des stocks de rhums dans cette collection privée ?
Ne dévoilons pas les surprises !!! (Diantre, j’aurais essayé ! )
Que pensez vous du Port Mourant de Auld Alliance/Corman, celui ci respecte-t-il à 100% la vision de Mr Samaroli ? (Cet embouteillage était sensé être le premier rhum Masam, le destin en aura voulu autrement )
Le Port Mourant de Auld Alliance/ Corman a été sélectionné par mon époux Silvano et faisait effectivement partie du stock Masam.
J’ai eu beaucoup de plaisir à leur céder ces 2 fûts parce que je savais qu’ils étaient en bonnes mains et que l’esprit de Silvano serait respecté à 100%.
Personnellement je rêverais de déguster un jour un rhum agricole sélectionné par Mr Samaroli, est ce que cela existe ?
Non, Silvano était d’école écossaise, bien qu’il respectait le rhum agricole, il préférait les produits distillés en Pot Still, comme en Jamaïque par exemple.
Nous avons fait il y a plus de 20 ans de cela des voyages d’études dans plusieurs pays où on produisait le rhum. Les temps ont changé depuis, la production du rhum s’est améliorée.
Le rhum est devenu à la mode et on le boit à la façon d’ un grand Cognac ou d’un bon Whisky.
Nous n’entendons que trop peu parler de vos récents embouteillages et cela m’étonne vu la qualité de ceux ci, est ce une volonté de rester discret ?
Je puis vous assurer que nous avons une image très forte et aucun problème de vente en ce qui concerne nos embouteillages.
Vous me demandez pourquoi on parle peu de nos récents embouteillages ?
Simplement parce que depuis 2008, l’année où nous avons vendu la marque “Samaroli “, nous avons été absents sur le marché.
Donnons donc le temps à nos amis passionnés d’instaurer un dialogue avec nos produits.
Quel est votre regard sur le monde des spiritueux actuel ? Comment vous placez vous face à vos confrères tels que Velier, Silver Seal, Bristol, Candenhead etc ?
La loi de la demande fait l’offre et il y a de tout sur le marché: du moyen, du bons jusqu’à l’excellence.
Mon mari, Silvano Samaroli, à tout au long de sa carrière assuré une garantie de qualité dans ses embouteillages.
Mes confrères, comme vous les avez appelé, sont plus importants commercialement et économiquement que nous. Mais nous avons toujours privilégié la qualité de nos embouteillages, ce qui fait que nous avons moins besoin de nous mettre en avant, notre qualité est clairement reconnue.
Question, plus spéciale… j’ai vu sur votre site qu’il existe un « tasting glass » propre à Mr Samaroli, ce modèle est il en vente quelque part ? Il figure aussi sur la couverture de « Whisky Erotico » et cela semble quelque chose de très précis. Pouvez vous m’en dire plus ?
En l’occasion de No Age edition 1999, le “Tasting glass” en verre soufflé a été projeté et réalisé par mon mari il y a 20 ans de cela.
Il a été mis en vente par nous mêmes et puis nous avons invité le monde à l’imiter !!!
Mais il n’y a plus moyen d’en avoir, hormis peut-être si quelqu’un la copié comme Silvano le souhaitait.
Dernière question, pensez vous que le fait d’être une femme apporte d’autres choses à la sélection ? Pourrions nous parler d’une élégance autre ou une touche de finesse que les hommes auraient moins tendance à détecter ? Ou vous pensez que cela ne change rien, un nez reste un nez ?
Une femme en générale a une sensibilité diverse de l’homme. Un bon Whisky parle le langage de l’émotion. Tout dépend de l’attention et de la prédisposition…