Aujourd’hui, je vous propose une rencontre avec Arthur de Lucy, qui avec son père Jean Louis entreprend la renaissance d’une ancienne habitation dans le nord de la Martinique, l’habitation Beauséjour !
L’habitation Beauséjour était une ancienne distillerie, comme il en existait des dizaines en Martinique, il y a de cela près de 80 ans.
Début du vingtième siècle, Amédée Alexis Augustin Knight, ingénieur de l’Ecole Centrale de Paris, devenu Sénateur de la Martinique en 1899, acquiert cette habitation dans un contexte tendu pour l’industrie du sucre.
Faisant prospérer cette dernière, celle-ci passe du simple au double niveau surface agricole et est même dotée d’une distillerie. Celle-ci gagnera d’ailleurs une médaille à l’exposition de paris en 1932.
C’est également à cette époque, entre 1900 et 1912 que l’habitation prit le nom de Beauséjour.
En 1928, Pierre François Honoré Louis de Lucy de Fossarieu (ouf !) rachète la propriété aux descendants de Knight. On continue à y cultiver la canne à sucre et à produire du rhum, tandis que le cacao déclinait au profit de cultures secondaires comme le maïs, les haricots ou la patate douce.
Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que le développement de la culture bananière supplanta définitivement les productions antérieures.
En 1959, plus aucune canne n’est récoltée et donc la dernière année de production de canne sera 1958.
Depuis quelques années, Jean-Louis, le petit-fils est revenu à la tradition de la canne et cultive cette dernière sur les 60 hectares que compte encore l’habitation.
Dernièrement, un nouvel alambic est même installé à l’habitation afin de retrouver le souffle d’antan.
Bonjour Arthur, pourriez-vous présenter cette nouvelle distillerie ? Qui, quoi, pourquoi et comment ? 🙂
Bonjour Roger, quelle question très large pour commencer !
Qui : Arthur de Lucy et son père Jean Louis.
Quoi : réouverture de la distillerie de mon arrière-grand père, fermée en 1958. Petite distillerie élaborant des rhums artisanaux en alambic.
Pourquoi : les bâtiments agricoles classés monument historique ne servaient plus à rien, il fallait trouver un idée, et nous avons 60Ha de cannes !
La logique et la passion ont fait que nous recommençons la production de rhum depuis cette année.
Comment : 2 ans de dossier administratifs, 6 mois de travaux, ouverture de la production en janvier, et les visites en mai.
Je suis très bien entouré niveau technique, par des grands professionnels actuels du rhum.
A l’époque, nous avions d’ailleurs gagné une médaille d’or en 1932 à Paris, qui sait d’ici quelques années….
Vous avez choisi de ne pas être AOC, vu la distillation en alambic notamment, tout comme A1710. Pourquoi ce choix? pensez-vous que l’AOC soit trop contraignante pour une nouvelle implantation ?
L’AOC !!! pourquoi toujours cette question hahaha !
Comme je l’ai déjà dit à pas mal d’autres personnes, L’AOC est une vraie force pour la Martinique, les producteurs de rhums garantissent un excellent niveau de qualité dans les méthodes de production, de culture et d’entretien du terroir.
Grâce à L’AOC, la Martinique est connue mondialement.
Mais c’est un cahier des charges très rigoureux et il faut beaucoup de moyens pour monter une distillerie répondant à tous ces critères.
Donc le choix de ne pas appartenir à l’AOC a été dicté en partie pour des raisons économiques d’abord, et puis aussi car on est beaucoup plus libre pour commencer !
Bien sûr, ce n’est pas pour autant que notre rhum ne sera pas bon, même si hors AOC.
Nous allons donc pouvoir bientôt déguster vos premières réalisations, quand est ce que tout cela sera disponible?
De quoi sera composée votre gamme ?
Sélection variétale oui, traçabilité parcellaire aussi !
Un blanc à ti punch et un blanc premium non, juste un blanc premium à ti punch pour commencer, hahaha .
La déclinaison normale viendra ensuite ESB, VO, VSOP, XO etc.… Nous mettrons environ 50% de la production en fûts la première année.
Les premières barriques arrivent en mars et oui, vous trouverez bientôt des bouteilles en métropole, dans des caves spécialisées ou sur internet.
Quel sera la type de fût utilisé? bourbon ?
J’ai choisi plusieurs types de fût, et plusieurs types de bois, on va essayer et on va goûter pour déterminer le choix le plus judicieux pour nos rhums.
Ce n’est donc pas encore vraiment décidé pour le moment.
Possédez vous vos propres champs de canne ou est ce que vous vous appuyez sur les cultivateurs locaux et proches de l’habitation ?
Nous pouvons compter sur 60Ha de cannes en propre, la première année nous n’en utiliserons que 5ha, vous voyez, on est large et il y a de quoi faire !
Est ce que la culture de la canne se fait sur l’ensemble de ces champs? Donc une partie part ailleurs pour le moment ?
Quasiment tout est en canne à sucre oui, nous vendons le reste aux autres distilleries afin de pallier à leurs besoins.
Comment vous projetez vous dans l’avenir ? Quels sont les buts fixés ?
Pour l’instant, on débute, on apprend, on goûte (beaucoup) on sélectionne.
Si ça marche, et si on réussi à atteindre la rentabilité, pourquoi pas s’agrandir et peut être même passer sur une colonne à distiller !
Nous avons la place pour et la canne disponible, tout est donc possible si le destin nous est favorable.
L’avenir nous le dira…
Le rhum martiniquais devient de plus en plus « hype », que pensez vous de cela et qu’est ce que cela vous inspire ?
Oui c’est en grande partie pour cela que nous avons pensé à la distillerie évidemment.
En plus du coté patrimoine et culturel, il y a aussi la tendance actuelle.
Le rhum martiniquais est l’un des plus appréciés et c’est d’ailleurs grâce aux producteurs de rhums de l’AOC.
Avez vous une distillerie favorite sur l’île ? une distillerie de cœur qui serait une sorte d’inspiration ?
Elles sont toutes tellement différentes… les rhums, les terres donc les cannes, les bâtiments, les histoires. c’est impossible d’en choisir qu’une !
D’ ailleurs on ne boit jamais qu’un seul rhum ici !
Mais pour vous répondre un peu tout de même : je suis un garçon du Nord, j’ai passé toute mon enfance à me promener dans les plantations du Nord et j’ai beaucoup joué chez JM, l’ancien JM !
C’est probablement de là que m’est venue l’envie de me lancer dans cette aventure…
Superbe article, très instructif. Je pensais que c’était une nouvelle identité créée de toute pièce, la coté renaissance d’une ancienne distillerie est vraiment sympa! En terme de capacités de production, je serais curieux de savoir quelle quantité ils visent, en effet l’alambic bien que sublime a l’air « petit ».
Merci !
Je pense qu’ils visent des petits volumes clairement… c’est aussi, j’imagine, une façon d’attirer ainsi le tourisme à l’habitation.
Je me réjouis de voir ce que ça donne en tous cas !